L’histoire du laboratoire vétérinaire départemental de Seine-et-Marne (77) (Jacques Rivière) 1/3
Un vent de création de laboratoires vétérinaires départementaux a soufflé sur la France des années 1960-1970, dans le contexte de la mise en place de la prophylaxie de la Brucellose des ruminants. En effet, son dépistage utilisait une épreuve sérologique automatisée dérivée du sérodiagnostic de Wright et nécessitait un matériel et une compétence, apanages de labos spécifiques.
Tous les départements des zones d’élevage ont alors été poussés par le Ministère de l’Agriculture à s’équiper de laboratoires vétérinaires pour satisfaire les missions des services départementaux des épizooties, vieille structure encore fonctionnelle. Le caractère zoonotique de l’infection et les lourdes pertes économiques qu’elle engendrait ont hâté le processus.
J’ai justement été lâché sur le marché du travail à cette époque bénie où le nombre des offres d’emplois étaient globalement supérieur à celui des demandes dans presque tous les domaines et j’ai eu l’avantage, incroyable maintenant, de pouvoir choisir entre plusieurs propositions dans le domaine précis qui m’intéressait : le laboratoire de diagnostic vétérinaire (public ou privé). J’ai choisi l’offre qui correspondait à une création, à cause du challenge que ça représentait ; les autres étaient des reprises. J’évoque ces détails préliminaires qui touchent à mon cursus et non pas à l’histoire du laboratoire en question, parce que nos sorts respectifs ont été étroitement solidaires, d’après ce que je peux voir maintenant avec le recul d’un retraité mais je vais m’efforcer de rester tout de même dans le sujet et de revenir à nos moutons.
Les moutons étaient justement encore dans les années 60 une préoccupation importante de l’élevage seine-et-marnais, ainsi que les vaches laitières (le département est le berceau d’une famille de fromages réputés (pâte molle, croûte fleurie, au lait cru) : le Brie –de Melun, de Meaux, et toutes les variantes locales-, le Coulommiers, et aussi le Fontainebleau…). Le cheptel bovin laitier avait donc été important, mais pour peu de temps encore …
Le laboratoire dont la construction avait demandé près d’une dizaine d’années, tous délais confondus (décision de principe du Conseil Général -l’ancien nom du Conseil départemental-, subventions du Ministère de l’Agriculture, achat du terrain d’assiette, formalités d’appel d’offres et marchés publics, quelques aléas inévitables de chantiers justifiant des rallonges –nécessité de fondations spéciales, etc--) était en cours d’achèvement au moment de mon arrivée, le 1er janvier 1970. Il restait encore quelques finitions à terminer et ma présence sur place a trouvé sa justification dans la surveillance de la fin des travaux.
Le labo n’était donc pas encore fonctionnel et je partageais mon temps entre cette activité et l’équipement du labo en matériel à partir des documents mis à ma disposition à la Direction des Services Vétérinaires où je partageais un petit bureau en alternance avec l’adjoint du DSV, un papy charmant et je réalise en écrivant qu’il était plus jeune que moi aujourd’hui…
Dans cette nouvelle implantation, le laboratoire cohabitait dans le même bâtiment que la DSV, qui profitait de l’occasion pour se reloger d’une façon plus digne. Le bâtiment était conçu selon le plan type qui correspondait au modèle de l’époque. Sur trois niveaux, on avait l’administration à l’étage, le laboratoire au rez-de-chaussée ; au sous-sol, les services communs du labo et de la DSV (laverie, stérilisation, animalerie, autopsie, chaufferie-incinération, salle d’archives, réserves, etc..).
Par vocation, le laboratoire des Services Vétérinaires a donc commencé son activité dès le printemps 1970 avec les premières analyses sérologiques brucellose (SAW = séro-agglutination de Wright).
Les machines qui réalisaient ces analyses étaient la grande fierté du DSV et nous avons eu maintes démonstrations à présenter aux notabilités.
Laissez-moi vous présenter rapidement ces machines, surtout si vous êtes trop jeune pour les avoir vues fonctionner. C’était impressionnant parce qu’elles reproduisaient exactement sur le mode automatisé les manipulations traditionnelles du laborantin. Construites par MAM-Satas (machines automatiques modernes à Clichy), elles assuraient respectivement pour la première machine (dite M1): les dilutions croissantes des sérums du 1/20 au 1/320, l’addition de l’antigène spécifique et, après incubation dans une étuve spécifique pendant le temps requis, la seconde machine, dite M2, prenait le relai pour la lecture des éventuelles agglutinations et crachait les résultats, tube par tube, sous forme codée, de 0 à 4 (concession à la tradition, ce chiffre représentait le nombre de croix de la lecture traditionnelle, d ’où le maximum de 4). Chaque sérum faisait l’objet de 5 dilutions qui permettaient donc de cerner le taux de la positivité pour l’exprimer éventuellement en U.I. Ces machines avaient été mise au point en collaboration avec l’un de nos grands aînés, Laurent Vaills, qui travaillait à Perpignan.
Comme toutes les manipulations de labo répétitives, celle-ci demandait une grande rigueur dans les identifications des échantillons, puisqu’il fallait rapporter les résultats de M2 (livrés sur une bande de papier genre ticket de caisse de supermarché) aux feuilles qui accompagnaient les échantillons de sangs adressés par les vétos de clientèle, sur 4 cases ou sur 20 cases. La première difficulté à affronter était la préparation de l’échantillon de sérum à partir de prélèvements de sang qui nous arrivaient au départ dans des récipients d’une très grande diversité (depuis la poche de plastique souple –modèle Cadeilhan- jusqu’au petit flacon pharmaceutique récupéré ou au tube plastique « Venex » qui ne permettait pas la coagulation du sang !.
Je regrette de n’avoir pas eu le temps de conserver des témoignages photographiques de cette époque de pionniers. Peu après, le recours systématique aux tubes de prélèvement sous vide, fournis par la DSV, a heureusement mis un terme rapide à cette joyeuse débandade folklorique.
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