Laboratoire vétérinaire départemental d’Ille et Vilaine 1/5
Souvenirs de Claude David, directeur de 1964 à 1996
(texte rédigé par Claude David, daté du 03 Janvier 2011)
Après la deuxième guerre mondiale, l’état sanitaire du cheptel bovin était déplorable, surtout en Bretagne.
La fièvre aphteuse sévissait de manière sporadique (l’année 1951 fut particulièrement catastrophique) et la tuberculose existait à l’état endémique dans 10 à 15% des élevages.
L’Etat, sous la pression des éleveurs, renforça notablement les Services Vétérinaires. De nouveaux bâtiments furent construits et du personnel embauché, en grande partie à la charge des départements (Service des épizooties).
A partir de 1953, les vaccinations massives répétées annuellement eurent raison de la fièvre aphteuse et le cheptel tuberculeux fut progressivement assaini par tuberculination et abattage des réagissants.
Excepté dans les zones où se développaient les élevages industriels avicoles, le laboratoire était relativement peu sollicité. Il en fut autrement quand, plus tard, une nouvelle maladie, contagieuse et transmissible à l’homme s’étendit dans la région : la brucellose, en partie favorisée par les repeuplements d’étables non contrôlés.
En Ille-et-Vilaine, un bâtiment avait été construit en 1955 près de la préfecture, derrière la direction de la Santé. Le laboratoire, très mal situé au rez de chaussée, avait un accès obligé par le couloir de la Santé. Deux assistants secondaient le directeur des services vétérinaires (DSV).
En 1957, un vétérinaire rapatrié du Maroc, chargé de recherche de l’Etat, est détaché à Rennes. Le laboratoire prend alors le titre de laboratoire régional des services vétérinaires. Beaucoup d’ambition mais ni projet, ni moyens ; peu de contact avec le terrain, conflits fréquents avec le DSV ; le directeur de labo quitte au bout de trois ans. Entre temps, un laboratoire privé, fondé par un vétérinaire de Chateaubourg, diplômé de bactériologie, s’est implanté solidement dans les élevages industriels avicoles de la région. Ce qui n’arrange pas les affaires du « laboratoire régional ».
En 1962, autre essai avec un vétérinaire, ancien directeur du laboratoire municipal d’Alger à qui on offrait en outre un poste de maître de conférence à l’Ecole Nationale de la Santé. Quitte Rennes pour Marseille six mois plus tard.
Fin 1963, nouveau concours pour un directeur du « laboratoire régional des Services vétérinaires ». Titres exigés : Dr vétérinaire, deux certificats de spécialisation, sérologie et bactériologie médicales ; indice de départ 410, prime de 35% du salaire, frais de déplacements. Seul candidat, praticien rural pendant sept ans puis, suite à un accident, année sabbatique pour préparer séro et bactério à la Fac de médecine de Paris (la seule à l’époque), j’ai été recruté sans difficulté.
Déception à l’arrivée à Rennes ; le labo de St Brieuc que j’avais visité fonctionnait déjà à plein régime avec une quinzaine de personnes. Ici, presque rien. Au rez de chaussée, trois pièces disponibles pour le labo ; le reste occupé par la Direction des Services Vétérinaires (DSV) et la Direction de la Santé. Peu de travail ; un personnel manifestement démotivé ; le premier assistant, chimiste de formation, fait une vingtaine de sérologies par jour, de la bactérioscopie (rouget, charbon), de la coproscopie et l’analyse des viandes (méthode globale à la paraffine). La dactylographie est assurée par un autre assistant. Le dernier fait à l’extérieur des hémagglutinations pullorose dans quelques élevages avicoles et de rares autopsies. Le labo est en outre chargé de l’entretien des machines à écrire, de la confection des colis pour la DSV…etc. Il mérite si peu son nom qu’il est devenu, dans l’organigramme, le « service technique de la DSV ». Pas de budget : j’ai même dû décommander un achat de petit matériel de bureau fait sous ma signature.
Le DSV est chez lui, fait des remarques, donne directement des ordres au personnel, embauche sans prévenir un des assistants pour la contention d’animaux, rentre sans frapper dans le bureau. Bref, c’était plus que n’en pouvait supporter quelqu’un ayant exercé une profession libérale. Après ses deux expériences malheureuses précédentes, le DSV finit par comprendre et changea d’attitude. Peu à peu, les rapports sont devenus plus confiants et une franche collaboration s’est établie dans les deux années qui ont suivi.
Les diplômes ne suffisent pas ; il me manquait l’expérience. J’ai pu me perfectionner sur place, bien secondé par le chimiste Jean Defaysse. Peu de travail ; j’ai profité de ma liberté pour faire des stages et fréquenter la faculté des sciences. Les 4 CES (maîtrise de physiologie) que j’y ai préparés (un par année), m’ont été précieux par la suite pour mettre en place de nouvelles techniques (biochimie, chromatographie, PCR). J’allais souvent sur le terrain pour les cas un peu difficiles, invités par les praticiens plus par curiosité que pour ma compétence. C’était l’occasion de faire des prélèvements corrects utilisables par le laboratoire, ce qui était rarement le cas auparavant. La confiance revenait peu à peu, les prélèvements étaient plus nombreux, alimentés en particulier par une poussée de peste porcine, de maladie d’Aujesky et de nombreux cas de fièvre charbonneuse, maladie que l’on croyait définitivement disparue. L’enquête pour en déterminer l’origine fut passionnante (poudre d’os des Indes, introduite dans des aliments du bétail).
Une Sténo-dactylo faisant fonction de secrétaire fut recrutée : M. Turgis.
Le diagnostic de la brucellose bovine s’intensifia avec la déclaration obligatoire des avortements (police sanitaire) et le renfort en personnel d’Etat rapatrié d’Algérie, malheureusement peu qualifié. Une vingtaine de prélèvements de placentas et de sang nous parvenaient chaque jour, sur lesquels étaient pratiquées une bactérioscopie et une sérologie (SAW et FC). 43% des avortements étaient positifs en Ille et Vilaine, chiffre bien supérieur à celui des Cotes d’Armor (25%). L’assainissement des exploitations atteintes se faisait par abattage des positifs en sérologie.
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