C David 2/5
Un plan de prophylaxie contre la brucellose se mettait progressivement en place, mais le labo était manifestement inadapté. Une nouvelle construction plus importante était envisagée. Elle ne verra le jour qu’en 1973.
En 1967, un nouveau DSV rapatrié d’Algérie est nommé à Rennes. En l’absence de texte définissant le rôle du directeur de laboratoire, tout fut remis en question. Du fait de sa spécialisation, il était évident que celui-ci avait besoin d’une relative autonomie ; au moins la responsabilité technique et l’autorité directe sur le personnel ; or, ce n’était pas le cas, même sur des questions essentielles de sa compétence : par exemple, le premier projet de l’architecte pour le futur bâtiment, établi sans que je sois consulté, dut subir à ma demande, de profondes modifications. Le préfet exigea alors une double signature (ci-joint, ma lettre du 06 octobre 1970, adressée au DSV). De même, j’obtenais difficilement le matériel ou le personnel nécessaires au bon fonctionnement du laboratoire. Pour preuve, cette lettre du 30 Janvier 1973 au président du Syndicat des vétérinaires, vice-président du conseil général, demandant d’urgence une dactylo supplémentaire. J’ajoutais qu’un statut du labo était nécessaire. C’est cette intervention, je le pense, qui me valut plus tard une convocation du Préfet pour évoquer l’avenir du laboratoire. Les conflits, qui ne le limitaient pas au seul laboratoire, étaient permanents. Aussi je pris très vite mes distances, tout en assurant pleinement mes responsabilités.
Le dépistage des troupeaux brucelliques se faisait alors par Ring test sur les laits de mélange collectés par des agents des services vétérinaires, suivi éventuellement par une sérologie. La prophylaxie générale par sérologie individuelle fut décidée en Ille et Vilaine deux ans plus tard (1971) mais prématurément et, encore une fois, sans concertation, ce qui provoqua un beau cafouillage. Nous n’étions pas prêts : faute de place, les machines automatiques en usage dans d’autres départements n’avaient pu être installées. L’afflux de prises de sang, dix fois supérieur à la moyenne, fut impossible à gérer. Le directeur des services vétérinaires alla jusqu’à demander au personnel du labo (une quinzaine de personnes à l’époque) de se consacrer exclusivement à cette tâche, ce que je ne pouvais accepter : l’avenir du laboratoire était en jeu. Mon ambition était de développer un laboratoire polyvalent et de bon niveau, capable de répondre à tous les besoins, publics ou privés, en particulier à ceux des vétérinaires et éleveurs. Après arbitrage du Contrôleur Général, la mesure fut stoppée. Elle illustrait une fois de plus la façon de diriger du DSV et aussi les besoins urgents de nouveau locaux.
Les autres pathologies, en dehors de la brucellose, n’étaient pas négligées. Au contraire, la lutte contre la brucellose, outre le personnel d’Etat et le matériel supplémentaire, nous fournit un matériel d’étude très précieux : le lait de mélange pour ring-test collecté correctement servit à une enquête bactériologique des mammites. Les placentas et sérums furent congelés en attendant d’autres recherches, notamment salmonelloses et listériose.
Les articles publiés alors valurent au directeur de laboratoire de recevoir à Paris en 1972 un prix de la Société vétérinaire pratique de France, le « prix Rossignol », du nom du vétérinaire qui, par la célèbre expérience de vaccination du charbon à Pouilly le Fort, aida Pasteur à imposer ses idées. Excellente publicité ; le nombre de prélèvements en augmentation nécessita le recrutement de nouveaux techniciens. Nous avions obtenu la confiance et le soutien des vétérinaires praticiens et des éleveurs.
Le nouveau bâtiment fut terminé en 1973. A cette occasion, le préfet avait envisagé sérieusement l’indépendance du laboratoire, ce qui inquiéta l’administration centrale. Suite à l’intervention du Contrôleur général Robin, un compromis acceptable fut trouvé : contrôle DSV pour les questions la concernant selon l’art 215 du Code rural, mais aussi création d’un comité de surveillance, plus tard conseil d’orientation, définissant le rôle et les prérogatives du laboratoire, composé de conseillers généraux, de représentants du monde agricole et vétérinaire, de personnalités scientifiques (Fac de médecine, des sciences, Ecole de la Santé, du médecin chef de la MSA). Le laboratoire devait avoir un budget propre, discuté au Comité, présenté ensuite au Conseil général.
Arrêté préfectoral du 10 ( ?) octobre 1973, QUI PEUT ETRE CONSIDERE COMME L’ACTE DE NAISSANCE DU NOUVEAU LABORATOIRE ;
Le comité est mis en place par le Préfet au cours des réunions du 1er décembre 1973 et du 9 avril 1974. En préambule, il donna les raisons de la création de ce comité pour un renouveau du laboratoire, avec la participation active des conseillers généraux, de l’administration, de tous les usagers et la caution scientifique de l’Université. Le Conseil Général, mieux informé, devait s’y intéresser car c’était un moyen d’action indispensable pour une région agricole aussi importante. Un président est élu : le Dr Vre Le Treut, conseiller général. Le DSV est secrétaire, chargé du compte-rendu de la réunion.
Les représentants des professions agricoles (FGDS) et vétérinaires exprimèrent leurs besoins. Les médecins intéressés par les zoonoses déjà étudiées, suggérèrent de faire une enquête sur la brucellose humaine en milieu rural ; ce qui fut effectivement fait deux ans plus tard. Le Contrôleur général et le DSV insistèrent sur la priorité des analyses au service des missions de l’Etat. Le directeur du laboratoire souligna que, en l’absence de statut, la dépendance trop étroite vis-à-vis du DSV était préjudiciable à son bon fonctionnement. Le préfet trancha en disant qu’il fallait faire la distinction entre les analyses « officielles » du domaine de l’Etat et sous son contrôle et les diagnostics ponctuels au service des éleveurs, en fait les autres activités qu’il souhaitait voir se développer. Les échanges furent vifs et assez confus mais l’abcès devait être crevé. L’essentiel fut obtenu : un budget autonome qui paraissait impossible à obtenir auparavant. Le labo émargeait au budget sur une seule ligne intitulée : « produits pharmaceutiques et d’hygiène » dont j’ignorais le montant des crédits. Je devais, à l’avenir, justifier les dépenses et les recettes, rendre compte de l’activité, faire connaître les projets et les besoins en matériel et personnel et établir le budget prévisionnel qui serait ensuite voté par le Conseil général. C’était un réel progrès tout en maintenant des liens étroits avec la DSV.
La deuxième réunion du 9 avril en présence du Préfet, était destinée à l’examen budgétaire. Le DSV s’étant difficilement plié aux nouvelles dispositions, s’en était totalement désintéressé, à tel point qu’il reçut à la fin de la réunion, un « savon » mémorable de la part du Contrôleur général, en ma présence et dans mon bureau. Son départ, voulu par tous, était programmé.
Les rapports avec ses successeurs furent facilités. Pas de subordination, plutôt un partenariat et une solidarité sans faille, dans l’intérêt général. Les Services Vétérinaires avaient besoin d’un laboratoire efficace et fiable ; le laboratoire ne pouvait se passer de l’appui du DSV. Les conflits mineurs, il y en eut, se réglaient dans le dialogue et le respect.
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