Une nouvelle aventure pour les laboratoires vétérinaires départementaux - Claude Meurier - 3/4
Les lois de décentralisation de 1982 offrent, sans doute, la chance à ceux qui veulent se libérer de la tutelle du DSV de satisfaire leur ambition personnelle . Mais le risque de priver les Services Vétérinaires d'une arme essentielle pour remplir leur mission ne peut pas échapper au nouveau directeur de la qualité, Gilbert Jolivet . Celui -ci appelle auprès de lui, en 1983 , Louis Andral, contrôleur général des Services Vétérinaires, qui va défendre deux propositions pour assurer la sauvegarde du dispositif d'appui des laboratoires aux Services Vétérinaires :
*placer à la tête des Laboratoires Vétérinaires Départementaux des vétérinaires inspecteurs du corps des vétérinaires inspecteurs du Ministère de l'Agriculture
*transformer une vingtaine de laboratoires départementaux en laboratoires d'Etat régionaux ou inter-régionaux
La première proposition d'Andral s'inspire sans doute de sa propre expérience personnelle de fonctionnaires des services vétérinaires du ministère de l'agriculture spécialiste de laboratoire .
Son exemple d'attachement au service de l'Etat se retrouve également chez les quelques vétérinaires inspecteurs qui sont à la tête des laboratoires départementaux . Mais l'insuffisance du nombre des vétérinaires inspecteurs disponibles est alors telle que cette idée ne peut pas être mise en pratique .
La deuxième proposition est avancée lorsque les échéances fixées par les lois de décentralisation pour opérer les partages des compétences entre l'état et les collectivités territoriales se précise en 1985 1986 .
Afin de conserver sous l'autorité des services vétérinaires un réseau de laboratoires capables d'assurer les contrôles diagnostic et analyses nécessaires à l'accomplissement de leur mission une liste hypothétique provisoire et confidentielle de laboratoires à rattacher à l'Etat est soumise aux ministres pour en obtenir une réponse de principe avant d'aller plus loin .
La réponse est négative pour tous les laboratoires départementaux à l'exception de celui de Rungis et du laboratoire du centre national de formation des techniciens des services vétérinaires de Lyon.
Bien qu'il s'agisse, en fait, de deux laboratoires d'Etat le ministre les aurait volontiers cédés aux conseils généraux .
Le statut du laboratoire central d'hygiène alimentaire de la préfecture de police n'est pas remis en cause .
Le ministre de l'agriculture François Guillaume, officialise le transfert des laboratoires départementaux des services vétérinaires aux département, en octobre 1986, en présence des représentants de l'assemblée des présidents de conseils généraux ; il annonce qu'une convention sera passée entre l'Etat et chaque département pour assurer le maintien du concours de ces établissements devenus le laboratoire d'analyse des départements, à l'exécution des missions des services vétérinaires .
La négociation des conventions avec les départements sera confiée à un ingénieur du génie rural et des eaux et forêts de la direction générale de l'administration et un administrateur civil de la direction général de l'alimentation .
L'inspection générale des laboratoires, occupée il est vrai à tenter de gérer la situation inextricable dans laquelle se trouve les laboratoires nationaux vétérinaires, ne sera même pas consultée ;
Louis Andral ayant pris sa retraite, la décentralisation des laboratoires départementaux est alors traitée comme une affaire purement administrative et politique .
Chaque convention qui aurait dû être individualisée par département est, dans les faits, simplement transposée à partir d'une convention type, qui ne comporte que des clauses administratives et financières, mais passe sous silence les questions techniques .
La disparition des liens organiques entre laboratoires nationaux et départementaux conduit alors l'inspection générale des laboratoires à promouvoir la procédure d'accréditation officielle par le réseau national d'essais (RNE), remplacée par la suite par le comité français d'accréditation (COFRAC), pour les analyses concernant tout d'abord la qualité des aliments, puis celles relevant de la santé animale ;
Cette initiative, certes lourde de conséquences financières, a été porteuse d'une démarche "qualité " essentielle pour garantir la fiabilité, non seulement des analyses des laboratoires départementaux mais aussi des recherches des laboratoires nationaux , confortés ainsi dans un de leur rôle essentiel, celui de laboratoire de référence.
Les laboratoires départementaux vont alors connaître des fortunes diverses liées à la vision des conseils généraux, mais aussi à la concurrence des laboratoires privés et aux contraintes de plus en plus sévères des accréditations et pour nombre d'entre eux au retrait de l'agrément par le service de la répression des fraudes.
Les conseils généraux sont nombreux à traduire l'exigence d'efficacité, qui est au centre de la politique de renouveau du service public, en termes de rentabilité .
Là où l'équilibre financier est loin d'être atteint, faute d'avoir su faire adopter des tarifs correspondant au prix de revient des examens, le directeur se heurte souvent au refus du conseil général de maintenir le laboratoire en activité .
La brèche, ouverte dans le monopole accordé par l'Etat aux laboratoires départementaux pour les examens nécessaires à l'accomplissement des missions des services vétérinaires, par l'agrément, délivré au début des années 1980 à certains laboratoires, certes compétents, mais privés, sur proposition du laboratoire de référence pour le contrôle de la maladie d'Aujeszky, s'élargit d'année en année .
Le fait de permettre à des laboratoires privés "mono ou pauci analyses " (dont les prix de revient sont d'autant plus faibles que les volumes traités sont plus grands ), de concurrencer des laboratoires publics contraints de couvrir un plus large éventail d'examens, entraîne inévitablement la fermeture d'un certain nombre de laboratoires .
Cependant, nombre de conseils généraux, conscients de l'intérêt des services rendus par le laboratoire vétérinaire départemental n'hésite pas à affronter la complexité et à assumer le coût des accréditations par le comité français d'accréditation (COFRAC) pour en assurer la pérennité .
Ils procèdent au regroupement en son sein d'activités qui lui étaient jusqu'alors étrangères. Aux examens correspondant à sa vocation initiale, s'ajoutent, selon la demande locale, les analyses d'eau ( eaux alimentaires et eaux usées ), de sol, de biologie humaine, les études d'œnologie, de pathologie comparée, la production de vaccins, la formation de personnel en particulier pour les besoins de l'industrie agro-alimentaire, la mise en place de systèmes HACCP (hazard analysis critical control point ) dans les entreprises, etc .
Les laboratoires départementaux sont également compétents et ont acquis les accréditations nécessaires pour effectuer les examens biologiques ou chimiques qui se sont imposés au cours des dernières années dans les domaines de la santé et surtout de l'hygiène alimentaire . Ces travaux visent notamment l'encéphalopathie spongiforme bovine, la tremblante du mouton, les pesticides, la dioxine, les métaux lourds, les antibiotiques, les aflatoxines, les bactéries ( listeria , campilobacter, légionella ) .
Comme pour l'absorption du CNEVA par l'AFSSA, il serait vain de critiquer les mesures de décentralisation prises dans les années 1980 pour les laboratoires départementaux des services vétérinaires . Il faut néanmoins regretter qu'aucune structure de coordination interdépartementale n'ait été mise en place . Mais il n'est pas trop tard pour revivifier le réseau des laboratoires départementaux, proches des besoins du terrain, qui s'amenuisent au fil des ans, et éviter qu'ils fassent cruellement défaut le jour où notre pays devra faire face à une crise sanitaire grave .
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