Article de Jean-Marie GUERAUD en vue d’une publication dans la revue « VétoVermeil » du GNVR
REUNION 2019 DE L’ADRLVD DANS L’AIN
Notre amie et collègue Annie accompagnée de son époux Bernard nous avait conviés dans le département où ils se sont retirés alors qu’Annie avait exercé à Chaumont. Convoqués pour le mardi 28 mai, vingt six participants se sont présentés dans les salons de l’hôtel Mercure de Bourg-en-Bresse ; le lieu se transforma très rapidement en un joyeux caquetoire fort animé voire bruyant surpassant ainsi les célèbres poulardes de la région. Les bulles aidant, le ton s’amplifiait favorisant ainsi acouphènes et larsen des sonotones… Tout cela s’estompa lors de la dégustation du dîner réparateur des fatigues du trajet ; la literie super confortable compléta la remise en forme pour le départ du lendemain prévu à 9 heures.
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Mercredi 29 mai, visite du musée départemental de la Bresse, domaine des Planons, commune de Saint-Cyr-sur-Menthon au cœur du bocage bressan. Christian pilote avec douceur et dextérité le car qui traverse la campagne : la fenaison débute, les acacias sont en fleurs comme les cornouillers, l’horizon est marqué par des monts bien dessinés.
Le domaine des Planons existe depuis cinq cents ans, le maïs est cultivé depuis le XVIIème sur des terres où étaient des forêts de chênes ; ces arbres ont été utilisés pour construire les bâtiments, vastes constructions à pans de bois ou pisé réalisé au moyen de banchées avec torchis et ciment de chaux. Les briques sont également utilisées comme les tuiles canal. La vaste cour rectangulaire est entourée de quatre corps de bâtiments imposants. Le logis fait face au porche d’entrée. Sur la droite, c’est l’entrepôt des matériels puis les étables, les soues à cochons et les volailles et enfin, le four à pain. Cette ferme d’une vingtaine d’hectares passa à quarante après le rachat par le Département en 1988 ; elle était vouée à la polyculture mais le maïs blanc était prédominant. Une quinzaine de personnes vivaient en autarcie et la richesse du maître était proportionnelle au nombre d’épis de maïs exposés en grappes autour de la cour. Dans le logis, le nombre d’armoires était également témoin de prospérité ; portes ouvertes elles étaient remplies de vêtements. Lampes à huile, gaufrier, boîte à gaufre, ustensiles de cuisine et chaudrons sont disposés dans la pièce à vivre où l’on rencontre une solide table avec ses bancs, un lit pour adulte avec un berceau, des maies et le « youpala » de l’époque. Les meubles sont en loupe de frêne ou d’orme. Un très vaste âtre occupe le quart de la pièce il s’échappe sur le toit par une très jolie cheminée sarrasine. Un banc proche du foyer permettait les pourparlers ou négociations, les documents étant conservés dans un coffre dédié. Les servantes occupaient la pièce contigüe avec des lits clos ; puis venait la chambre du seigneur où étaient conservées les denrées alimentaires et autres objets de valeur. A l’arrière du bâtiment se trouvaient sous l’auvent les bourrées, le bois, les ruches et autres petits matériels destinés à la culture du jardin. La visite libre nous permit de découvrir l’art de la table et de nombreux clichés autour des trois, puis des quatre Glorieuses, fête traditionnelle, magnifiant les différentes catégories du poulet de Bresse. Le premier remportant un vase de Sèvres offert par le Président de la République, tradition depuis Napoléon III.
Du maïs à la poularde, quelques km au sud et nous voici chez le chef Georges Blanc dont l’établissement se situe à Vonnas dans l’ancienne fabrique familiale (1872) de limonade conservée dans son jus mais aménagée pour accueillir une brigade stylée et très attentionnée au moindre désir des visiteurs. Le repas fut à la hauteur de la réputation des exigences du chef étoilé. Les maisons du village ont été restaurées pour répondre à l’image de « village gourmand » avec un souci particulier pour l’environnement.
Une courte sieste postprandiale et nous voici à Villars les Dombes pour prendre nos deux accompagnateurs pour le circuit des étangs. Pays de mille deux cents étangs, les Dombes sont renommées pour leurs eaux poissonneuses occupant 11 200 Ha ; la production annuelle moyenne est de 1200 tonnes. Il s’agit principalement de carpes puis de brochets : les carpes sont payées un euro le kilo plus une subvention de 0,10 car depuis peu les épisodes de sécheresse mettent en difficulté la filière. Le Département a mis en place un plan de soutien de 800 000 euros par an sur cinq ans et le rapport brut est estimé à 300 euros/Ha.
Si le poisson demeure le pilier de l’écosystème l’avifaune est importante avec les canards, le héron, l’aigrette garzette, le héron pique bœuf, le foulque, le grèbe et autre représentant ailé de la faune aquatique. Le cormoran reste un prédateur redouté. Des nids de cigognes signalent la présence de ces oiseaux.
De retour à l’office de tourisme nous pouvons voir une vidéo sur la pêche d’étang avec la vidange et la pose des filets ; les hommes ont remplacé les bœufs pour tirer, bien être animal oblige…, l’œil et le coup d’épuisette du pêcheur puis le tri, la pesée, la mise en cuves oxygénées et après l’effort la pause casse croûte…
Les carpes sont dans leur troisième été mais que faire de la peau considérée comme déchet ? Une maroquinière a relevé le défi en réalisant des créations à partir du cuir de carpe. Le tannage est réalisé à la silice. Carpes à écailles ou carpes cuir fournissent un matériau souple et très solide. Pochettes, porte-clefs, bracelets et autres objets sont présentés à la vente. La mode est un éternel recommencement puisque le cuir de carpe était déjà travaillé au IVème siècle ! Les instruments de l’artisan rappellent ceux du bourrelier. Pendant que les dames font leur choix, des rillettes de carpe sont proposées avec du vin du Bugey.
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Jeudi 30 mai, nous avons rendez-vous avec Julie, notre guide, au monastère royal de Brou.
Ce chef d’œuvre gothique flamboyant est composé de trois cloîtres, d’une église funéraire et des appartements de Marguerite d’Autriche.
Marguerite d’Autriche née à Bruxelles en Pays Bas Bourguignon, le 10 janvier 1480, fille de Maximilien Ier et de Marie de Bourgogne elle a pour grand père Charles le Téméraire duc de Bourgogne. A deux ans elle perd sa mère et c’est Anne de Beaujeu, fille aînée de Louis XI, qui va l’élever sur les bords de Loire à Amboise ; parmi ses compagnons de jeu se trouve un Philibert de Savoie... A la mort de Charles le Téméraire en 1477, elle reçoit la régence de Bourgogne et des Pays Bas et, se trouve être la tante de François Ier et de Charles Quint.
En 1483 elle « épouse » Charles VIII fils de Louis XI mais, pour des raisons politiques, celui-ci va la répudier en lui préférant, Anne de Bretagne, elle a alors onze ans. Elle regagne les Pays-Bas et son père, dans le but de lutter contre la France, se rapproche des rois catholiques.
Il va négocier deux mariages :
Mais, Jean d’Aragon gravement malade, va mourir dans sa vingtième année le 4 octobre 1497.
Veuve à 17 ans, Marguerite accouche d’une fille morte –née. En 1500 elle rejoint Bruxelles et se remarie en décembre 1501 avec Philibert II dit le Beau. Il est duc de Savoie, fils de Marguerite de Bourgogne.; elle l’aime passionnément et ils vont s’installer au château de Pont d’Ain en 1502.
Philibert va décéder le 10 septembre 1504, à 24 ans, après avoir bu de l’eau glacée lors d’une chevauchée de chasse près de Pont d’Ain. Les années de jeunesse de Marguerite vont donc se terminer à Brou, sa période heureuse n’aura duré que trois ans ; toutefois elle a appris à gérer le duché en s’imprégnant des subtilités politiques et la Savoie va sortir de l’orbite française pour entrer dans celle de la maison de Habsbourg.
En 1506 son frère meurt à son tour ; Marguerite va alors se retirer à Malines aux Pays Bas espagnols qu’elle gouvernera pendant vingt cinq ans (Belgique et Pays Bas actuels). Son père tente en vain de la remarier avec Henri VII Tudor mais elle s’oppose fermement et choisit de porter le deuil pendant ses vingt cinq dernières années.
En mars 1507 elle devient régente de Pays Bas pour le compte de son neveu Charles qui a six ans. En 1515 il s’émancipe puis se fait élire empereur. Vexée, Marguerite se retire à Malines mais en 1519 elle récupère le gouvernement des Pays Bas, charge qu’elle gardera jusqu’à sa mort. Charles Quint et François Ier vont se « chicaner », elle soutient Charles mais, avec sa cousine Marie de Luxembourg elle cosigne la paix des Dames ou traité de Cambrai.
Par ses fiançailles et ses trois mariages Marguerite possède une fortune considérable, de nombreux comtés, jouit d’un douaire en rente de la couronne de Castille (20 000 écus par an) et d’un douaire de la Savoie (12 000 écus par an). Tout cela lui permet de mener une politique de mécénat intense (écrivains, musiciens, peintres, tapissiers, verriers…) et sa plus grande œuvre fut le monastère nécropole de Brou.
Marguerite d’Autriche fille d’empereur, descendante des Habsbourg et de la maison de Bourgogne devait se montrer digne de son ascendance. Ainsi Brou a été élevé autour d’une histoire d’amour et de mort : il fallait surpasser les tombeaux des Bourgogne, celui de son père Maximilien et celui des parents d’Anne de Bretagne prévu dans la cathédrale de Nantes. Elle choisit comme architecte Louis van Bodeghem pour bâtir le monastère royal de Brou. Joyau gothique flamboyant ce monument rassemble dans ses moindres détails le raffinement de la sculpture flamande et on ne peut que s’extasier devant un tel chef d’œuvre. Marguerite l’a voulu ainsi et, depuis Mines elle conduit les travaux en faisant appel aux artistes les plus réputés de l’Europe du Nord.
Le monastère composé de trois cloîtres est édifié de1506 à1512.Le premier est celui des hôtes, le second est réservé à la prière et la méditation, le troisième répondait aux besoins de la vie domestique.
Les Augustins y sont logés afin de prier pour le repos des défunts ; les Augustins sont préférés aux Bénédictins cf. bulle du pape, peut-être pour « contrer » l’inhumation de Philippe Ier à St Benoît-sur-Loire… ? (NDLR : Philippe a eu une vie fort tumultueuse quant au nombre de ses épouses ; lui-même ne se jugeait pas digne d’être enterré à Saint Denis… !).
Une seconde église à vocation paroissiale fut également construite dans la ville de Bourg comme le souhaitait Marguerite ; ceci a été l’objet d’une seconde bulle (Marguerite devait être femme de caractère…).
L’église funéraire sera édifiée de 1513 à 1532 mais Marguerite ne la verra pas achevée car elle décède le 30 novembre 1530 ; sa dépouille sera ramenée à Brou deux ans plus tard pour reposer sous le pavage du chœur, aux côtés de son époux Philibert et de sa belle-mère Marguerite de Bourbon.
En calcaire de Revermont elle étincelle, sa toiture et ses tuiles vernissées la font voir de loin. De belles dimensions, 70 x 30m, 20m sous clef de voûte elle est illuminée par de grandes baies incolores.
Un imposant jubé de pierre (cinq en France) avec sa lourde porte en chêne sépare la nef du chœur. Avec ses trois arcades en anse de panier il est richement sculpté voire finement ciselé (végétation de pierre exubérante, feuille de chou frisé, vigne, chêne, symboles du couple ducal) ; il annonce les splendeurs du chœur.
Les 32 stalles en chêne sont réparties le long des deux travées du chœur, elles montrent le maniérisme flamand alors que les miséricordes sont l’œuvre du Bressan Berchod. Les dessins des trois tombeaux furent réalisés par Jan Van Roome avant juillet 1516. Des sculpteurs brabançons en ont exécuté l’architecture et les statuettes ; les grands gisants et les angelots ont été confiés à Conrad Meyt et ses aides.
Le tombeau le plus simple est celui de Marguerite de Bourbon, installé en enfeu, sorte de niche funéraire dans le mur sud. Vêtue d’un manteau de cour, la tête sur un coussin, les pieds appuyés contre une levrette (signe de fidélité) ce gisant est entouré de nombreux pleurants et d’angelots.
Le tombeau de Philibert le Beau, au centre du chœur, est à deux étages comme celui de son épouse Marguerite d’Autriche. Le personnage en marbre « au vif » (ou gisant), en costume de cour, surmonte le défunt nu dans son linceul « image de la mort » (ou transi) sculpté à l’étage inférieur. Cette scène rappelle le « memento mori » auquel nous sommes tous appelés ainsi que la vanité de la vie terrestre. Le soubassement offre un riche décor flamboyant avec des niches et leur dix Sibylles figurant des prophétesses de l’Antiquité païennes censées avoir prédit la venue du Christ.
Le tombeau de Marguerite d’Autriche évoque un majestueux lit de parade à baldaquin ; il comporte de nombreuses statuettes de saints et de saintes, de multiples détails architecturaux festonnés de feuilles de chou frisé, les initiales P et M et sa devise « Fortune Infortune Fort Une ». Le gisant est en marbre, le transi en albâtre et la guide nous signale que Marguerite de Savoie n’avait qu’une jambe.
Le chœur est illuminé par cinq fenêtres. Au centre Marguerite et Philibert avec leurs saints patrons ; les « deux volets » qui les entourent sont composés des écussons représentant l’ascendance des deux époux.
La chapelle privée de Marguerite d’Autriche possède un vitrail consacré à l’Assomption et un monumental retable d’albâtre représentant les sept joies de la Vierge ; la chapelle est complétée par deux oratoires, le second est accessible par la galerie du jubé en donnant accès aux appartements de Marguerite.
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M
Comme Merkel ou May, cette initiale nous laisse rêveur quant à l’avenir de l’Europe qui, après plus de quarante années de fiançailles n’a pu consommer. Marguerite d‘Autriche savait déjà où elle allait, sa devise résume bien sa détermination.
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Après un agréable repas à la ferme auberge la Jonquillière à Tossiat nous repartons pour Jujurieux où se situent le musée de l’industrie et de la soie.
En 1835, Claude- Joseph Bonnet patron d’une maison de soieries lyonnaises à Lyon ouvre à Jujurieux une usine qui évolue jusqu’au XXème siècle vers le modèle d’une cité ouvrière paternaliste. L’idée première était de maîtriser la qualité du fil destiné à la préparation des soies. La main d’œuvre féminine et rurale est moins chère et plus docile que celle des villes. Les Sœurs de Bourg-en-Bresse encadrent strictement les jeunes filles dans cette usine pensionnat qui compta jusqu’à 1200 ouvrières dont 644 internes en 1896. Une « maison de famille » pour demi-pensionnaire est notée à la fin de 1920. L’organisation sociale se met en place autour de magasin d’habillement, d’alimentation, de maisons, de cités ouvrières, d’une crèche garderie, d’une caisse d’épargne, d’une caisse d’allocations familiales, d’un service d’autocars et de tramways jusque dans les années 1950 après la fermeture du pensionnat en 1945.
Les sources d’énergie utilisées étaient la vapeur, une roue hydraulique et quatre chaudières au charbon, puis vint l’électricité.
Les tâches administratives sont, dans un premier temps, occupées par des hommes, les cols blancs. Une centaine d’hommes de tout corps de métiers se charge de la maintenance du matériel.
Pendant l’été les cocons de ver à soie sont triés puis étouffés pour tuer la chrysalide. Au long de l’année ils sont ébouillantés pour dévider le fil qui va être mouliné. Torsions et assemblages vont lui donner sa contexture, la solidité et la grosseur souhaitées.
Le ver à soie est la chenille du bombyx mori, papillon né d’un cocon de soie. La femelle pond 4 à 600 œufs dénommés « graines » qui vont donner naissance à des larves se nourrissant de feuilles de mûrier. En un mois elles passent de 3mm à 8cm au stade de L5 ; alors le temps de la chrysalide est venu et le cocon est filé, il est d’un seul brin allant de 800 à 1500 mètres. Après l’échaudage, le dévidage et le moulinage il est transféré sur des bobines ou roquets placés sur des tavelles. Le tissage peut être entrepris avec l’entrecroisement perpendiculaire du fil de trame (longueur) et du fil de chaîne (largeur) sur fond de bruit de claquement des navettes. Le tissage était manuel au début, confié aux Canuts de Lyon. En 1804 Jacquard va mécaniser cette opération. Claude-Henri –Bonnet fait sa réputation dès 1810 avec les tissus unis noirs, taffetas, satins et failles, qui sont tous d’une qualité irréprochable. Avec son parc de métiers Jacquard la maison Bonnet ouvre des comptoirs à l’étranger en mettant en œuvre de nouveaux savoir-faire liés à l’exécution des tissus façonnés : le dessinateur textile crée le motif de l’étoffe qui sera ajusté en longueur et en largeur, c’est la « mise au net » qui va conditionner la mise en carte. Cette opération permet de repérer, sur papier quadrillé, chaque croisement de fil de trame et de chaîne. Ainsi le dessin sera réalisé lors du tissage. Dans l’atelier de lisage les cartons perforés sont élaborés ils rappellent ceux des limonaires. Tissus unis, façonnés, imprimés, velours… la maison Bonnet va diversifier ses créations entre les deux guerres. Dès 1920 un département de tissus pour cravates est développé à Lyon puis vinrent les foulards de luxe sur fond de mousseline de soie peint-main à partir de 1970.
A la cession d’activité en2001, la Communauté de Communes et le Département se mobilisent pour sauver ce patrimoine industriel.
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Au retour, le cellier Lingot- Martin à Poncin nous propose à la dégustation son vin rosé pétillant Bugey-Cerdon accompagné de la galette bressanne. Les crus Gamay, Pinot noir et Poulsard servent à l’élaboration de ce vin dont la fermentation, contrairement au champagne, est bloquée. Il est travaillé à la température de 6°C son taux d’alcool se situe entre 8 et 9 degrés. La majorité des dégustateurs repartit avec son carton…
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Vendredi 31 mai les glacières de Sylans
Les Anciens, les vrais (!) ont connu les temps sans frigo ni congélateur, le métier de glacier existait notamment dans les villes ; à la campagne c’était la fraîcheur de l’eau du puits. Si le lac de Nantua se situe dans une cluse en U celui de Sylans est dans une cluse en V favorable aux éboulements. Il mesure 2 km de long sur 250 m de large. Florine, notre guide nous accueille sur fond musical de trio pinson, fauvette, merle (merci Christian pour ton oreille musicale).
Le très grand ensemble de ruines de pierre envahies de lierre témoigne du passé industriel de ce site entouré aujourd’hui d’une abondante végétation, les troncs des arbres étant emmitouflés dans d’épaisses chaussettes de mousse.
En 1864 Joachim Meinat possède deux cafés situés sur l’axe permettant de gagner la Suisse. Pour satisfaire la clientèle de passage il a l’idée d’exploiter la glace. En 1872 des bâtiments sont construits sur les bords du lac. Les ouvriers répartis en deux équipes de jour et de nuit qui travaillaient douze heures. La glace était sciée, débitée en pains, ramenée par des chevaux aux ferrures cloutées puis entreposée dans de vastes dépôts. Les pains étaient séparés par de la paille pour faciliter leur individualisation ; ils mesuraient 1 m x 0,80 m x 0,15 m. Le stockage pouvait être de 40 000 tonnes ! L’énergie utilisée était la vapeur jusqu’à l’arrivée de l’électricité. Grâce à la voie ferrée desservant l’usine, la glace est expédiée dans les grandes villes, voire à l’étranger, par train de 20 à 30 wagons de dix tonnes. En fonction du pays destinataire il y avait de la perte mais le prix de vente était calculé en conséquence.
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La glace, rien de tel pour évoquer l’apéritif… C’est ainsi que nous remontons vers l’auberge du Catray à Châtillon-en-Michaille avec une vue magnifique sur le mont Blanc et la chaîne des Alpes. La température et le soleil aidant nous aurions bien déjeuné à l’extérieur !
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Nous sommes alors attendus à Oyonnax pour visiter le musée du peigne et de la plasturgie. La légende rapporte que saint Léger, évêque d’Autun, aurait favorisé la production de peignes en buis destinés aux soldats. Toutefois, en Syrie, dès 8 500 av JC le peigne en os est décrit sur les bords de l’Euphrate. A cette époque ce peigne servait à recoiffer les poules qui rencontraient un tigre. Car, lorsqu’elles voient le tigre, l’œuf rate…
En 639, le seigneur Léger est victime d’un accident hippomobile ; il est bien soigné par les habitants d’Oyonnax. Devenu évêque d’Autun il leur octroie, par reconnaissance, le monopole de la fabrication de peignes en buis utilisés par les soldats francs pour ordonner leur abondante chevelure.
Les moines de Saint Claude vont se spécialiser dans le travail du buis car cette essence pousse en abondance dans la région : peignes, peignes à poux… Mais en 1820 l’emploi de la corne va supplanter le buis qui se fait rare. Le métier d’aplatisseur va apparaître avec la corne. D’autres matériaux vont être également employés comme l’écaille de tortue ou l’ivoire. Puis le celluloïd composé de nitrate de cellulose et de camphre fait son apparition en Amérique car le blocus imposé aux Sudistes menace la production des boules de billard en ivoire. Outre les célèbres baigneurs, les peignes sont revisités, le celluloïd va donner un nouveau souffle esthétique à cette industrie. L’usage de tours à canneler, de tours à polir et de scies sauteuses permettent aux artistes d’exprimer leurs talents.
Dans le premier tiers du XIXème siècle l’apparition de nouveaux plastiques et de nouvelles techniques d’exploitation vont diversifier les productions : jouets, cuisines en formica, robes de haute couture, chaussures, lunettes, mobiliers, prothèses…
Si l’homme respecte le « primum non nocere » et le zéro déchet, il aura réellement gagné le défi imposé par la maîtrise de la plasturgie.
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Samedi 1er juin nous avions rendez-vous au champ de Foire avec Julie pour visiter les quartiers anciens de Bourg-en-Bresse alors que certains des 43 000 Burgiens faisaient leur marché. Bourg a été une ville fortifiée à partir de la moitié du XVème siècle quand les ducs de Savoie y établirent leur capitale. François Ier modernisa son système défensif puis au fil du temps elle devint place forte ; Louis XV fit détruire les remparts.
Fin XIXème le quartier Crève Cœur, les anciens abattoirs, et le quartier Grenette en 1898 furent aménagés, ils abritent le théâtre municipal.
Les bastions ont été aménagés en vastes promenades ombragées. On y rencontre une statue de Xavier Bichat (1771-1802) célèbre anatomiste physiologiste qui monta de Lyon à Paris. Il publie et travaille beaucoup mais surmené, il va décéder de phtisie à l’âge de 31 ans.
L’ancienne prison, demeure des sires de Bagey, a été ré aménagée en luxueux appartements privatifs ; en ce lieu, avaient été mis à jour trois cents menhirs. Non loin de là, la maison Gorrevod nous écrase par son imposante et haute façade : colombages, pans et encorbellements en soulignent la richesse. Ce quartier était celui de l’évêque et des drapiers.
Bourg-en-Bresse possède de nombreux squares richement fleuris et arborés. Dans l’un d’eux, une statue évoque le riche parcours de Jérôme Lalande (1732-1804) ; il débute sa vie sous l’habit d’avocat puis devient astronome et prévoit le retour de la comète de Halley. Place Edgar Quinet nous remarquons la porte du couvent des Augustins, ce vestige nous permet d’imaginer la beauté du bâtiment quand il était en fonction.
Une visite dans la cocathédrale Notre Dame de l’Annonciation édifiée en 1506, nous permet d’admirer la clef de voûte pendante et ses stalles de 1530 ; l’édifice possède une vierge noire à l’enfant. Bourg est situé sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, ses rues sont de nos jours très commerçantes et fort bien achalandées. Un passage devant la mairie jouxtée par le majestueux hôtel de Bohan nous dilue dans un joyeux mariage qui vient de se faire photographier puis nous nous séparons de notre guide au champ de foire où les plus gourmands vont se laisser tenter par les étals de fruits car il fait très soif…
Un excellent repas au Verre Gourmand (le bienvenu !) nous requinque après ce parcours fort enrichissant, puis ce fut le moment de l’au revoir.
Merci à Annie et Bernard pour cette échappée belle en terre de Bresse : tout fut parfait. Nicole et Jean Louis, à l’année prochaine !
Jean Marie Guéraud le, 16 juin 2019