Le paysage est très vallonné, la Loire coule en fond de vallée ; derrière la ligne de crête opposée coule le Layon réputé pour son vin liquoreux.
Quelques chevaux sont aperçus sur le domaine voisin ; on pouvait penser qu’ils contribuaient à l’entretien des vignes mais ce n’est pas l’avis de notre hôte, ancien officier de marine bien au fait des notions de rentabilité, la conduite du cheval étant « mangeuse de temps »…
Quant à la présence de rosiers pour détecter l’oïdium cela tient de l’histoire ancienne puisque le nombre de conseillers dans les chambres d’agriculture les ont largement remplacés… ! Pour les traitements de la vigne, il a bien été question de soufre et de sulfate de cuivre mais impossible de pouvoir classer cette exploitation en bio ou non bio.
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Epiré a deux églises ;
la première du XIIème siècle rachetée par le maire de la commune, un ancêtre Bizard, qui l’a transformée en cave car le schiste est très dur à creuser…
la seconde date de 1880.
Après la promenade bucolique nous sommes demandés « à la chapelle » pour la dégustation : pas de sourd ni traînard pour cette convocation !
Notre hôte nous rappelle les étapes de la vinification avec la clarification, la fermentation, l’élevage sur lie en remettant en suspension le dépôt en brassant le vin avec un bâton. Les barriques sont en chêne, en acacia ou en châtaigner. La fermentation est stoppée en employant le sulfite comme antioxydant. La mise en bouteille se fait en juin.
Un tiers de la production est destiné à l’exportation vers les USA.
Reste la dégustation avec la mise en émoi du nez, de l’œil et de la bouche : tout est codifié en termes bien précis. Toutefois il faut laisser chacun exprimer ses sensations en les respectant; l’essentiel pouvant se résumer ainsi « bonum vinum laetificat cor hominis ».
Trois vins nous sont proposés : un 2014 récolté sur la phtanite, un Huboyau ou « bout du petit bois » puis un moelleux qui a rallié la plupart des participants.
Lesté de son précieux chargement le car reprit sa route pour nous déposer à la guinguette La Croisette sur l’ile de Behuard rive droite de la Loire.
Un copieux et délicat menu nous attendait avec, plus particulièrement un délicieux sandre unanimement apprécié.
Le programme de l’après midi était le retour sur Angers en remontant la Loire puis la Maine. L’embarcadère était, selon les locaux, à 10 mn à pied de notre guinguette… Nous étions bien crédules car c’est bien 20 mn qui furent nécessaires et ceci en marchant d’un bon pas ! La colonne s’effilocha lentement le long d’un sentier fort propice à la rêverie mais atteignit quand même son but sous les encouragements d’Yves.
Deux bateaux accouplés nous attendent : une gabare et une toue cabanée. La gabare pèse 9 tonnes elle est mue par un moteur à essence de 50 CV.
La toue cabanée pèse 11 tonnes, elle est munie d’un moteur à essence de 100 CV, la vitesse moyenne est de 15 km/h.
La toue cabanée répond au doux nom de La Libellule ; une sculpture en bois en rappelle la féminité, elle fait face au barreur. La gabare se nomme La Bohème. Deux barreurs dirigent le convoi alors qu’un troisième homme, nous ne le saurons que plus tard, faisait ses premières armes. Notre groupe embarque en se séparant en deux ; les pessimistes ou prévoyants sur la toue cabanée, les optimistes sur la gabare.
Chacun avait pris son couvre chef sur les conseils d’Yves, mais le temps restait couvert et, la douceur angevine aidant, c’est à l’air libre que la plupart profite des embruns et du clapotis du fleuve.
Certains se laissent bercer, luttant désespérément pour ne pas succomber à une sieste réparatrice.
Le paysage se déroule calmement sous nos yeux. Au départ nous repérons les vignes visitées le matin, La Pointe… puis la végétation des ripisylves ligériennes décline ses touches caractéristiques de vert tout au long du parcours. Des goélands, des hérons nous regardent passer mais un cormoran s’envole, dérangé par notre présence.
Venant de St Florent-le-Vieil un important nuage nous fait replier sous l’abri de la toue pendant que nos amis passagers de la gabare sortent imperméables et parapluies.
Nichées sur le flanc de la colline de belles demeures nous sont indiquées par l’équipage qui nous a servi un verre de crémant d’Anjou.
Les bateaux sont découplés en prévision du passage de l’écluse. Si la différence de niveau entre la Loire et la Maine est, pour nous, peu significatif, le passage par l’écluse est aujourd’hui obligatoire et c’est le stagiaire qui prend la barre pour faire entrer la toue dans le sas alors que son compagnon est descendu amarrer le bateau. Quelques manœuvres en douceur pour que la gabare profite de l’éclusée. Les portes se referment, les niveaux s’équilibrent, puis les bateaux abordent la Maine.
La cathédrale et la ville d’Angers nous accueillent et nos bateaux vont s’amarrer en douceur au ponton de la Cale de la Savate.
A peine débarqués, une pluie d’orage nous poussa dans l’enceinte de la Cale, débit de boisson installé sous toile. Le patron se dérida quand nous passâmes commande…
L’averse passée, la boule de fort représentait un point imposé de notre programme.
Après un petit quart d’heure de marche, nous sommes rentrés dans un local qui avait l’aspect d’un estaminet. Plusieurs hommes et une femme nous attendaient.
Les présentations faites, nous étions attendus dans tous les sens du terme : les hommes nous ont accueillis avec un air goguenard et dubitatif.
Le Président, plus convivial, expliqua les bases du jeu de la Boule de Fort, jeu typique de l’Anjou et du grand Ouest.
Lancer une boule pour la placer le plus près possible du maître ou du petit, l’équivalent du cochonnet pour la lyonnaise ou la pétanque.
A ce stade tout parait simple mais les parties se jouent sur un terrain de 25 m sur 6,10m et la chape recouverte de résine est relevée sur ses bords.
Pour compliquer le tout la boule utilisée est constituée de deux parties de poids inégaux, le fort pesant le plus lourd ; il se règle à l’aide d’une vis.
Les deux parties sont reliées par une bande de roulement en métal. Les joueurs jouent en chausson ou en chaussette car la piste est fragile.
Sur invitation du président les plus hardis de nos amis ont empaumé les boules de fort aimablement prêtées.
Une paire de boule vaut quand même 200 € !
Après quelques essais, plusieurs de nos compagnons se sont révélés de bons techniciens. Chaque lancer est accompagné des avis de ceux qui regardent, même entre joueurs aguerris les critiques sont parfois acides mais comme la trajectoire de la boule décrit lentement une sinusoïde on peut modifier le commentaire… Le comportement de la boule semble imprévisible étant donnée la variété du maintien : stable, déhanché, titubant… tout est spectacle.
La partie se joue en dix points en équipe ; cela peut durer de 1 H 30 à 2 heures d’où le temps de se rafraîchir.
Avant de reprendre notre retour vers le Bon Pasteur le Président nous retient pour déguster un coteau du layon ; ce fut sans refus.
Quoique sans étiquette la bouteille contenait un excellent crû qui nous titilla fort agréablement les papilles : « la Sainte Vierge en culotte de velours » aurait dit mon père angevin de souche né à Longué.
JMG, le 3 juin 2018